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Terre des femmes

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Bouleversant, le plus récent roman de Nassira Belloula dans lequel se mêlent dans une prose poétique le sang des accouchements à celui des batailles et des guerres menées par les hommes et les femmes sur cinq générations.

La nouveauté, c’est qu’au lieu de voir l’Histoire en excluant les femmes, cette fiction historique part des femmes, de mère en fille, leur accueil au village lorsqu’elles sont déplacées, leur histoire d’amour et leur vie auprès ou en l’absence de leur homme ou de la famille ou encore des personnes de confiance recommandées par des hommes ou des femmes qui leur veulent tout le bien possible même si toutes ces vies sont assujetties aux atrocités des colonialistes et opportunistes parfois politiques, d’autres fois de la « noblesse » ou encore militaires Français en Algérie pendant les plus de cent années d’occupation. Individus égorgés, filles violées, villages rasés, maisons et récoltes brûlées, Algériens pourchassés pour être tués, chassés de chez eux, hommes et femmes ensemble ou esseulés devant tout recommencer ailleurs. Et de mère en fille, la vie continue dans ce roman qui se situe entre 1847 au moment de l’invasion des Français jusqu’au déclenchement de la Guerre d’Algérie. C’est souvent déchirant. C’est toujours dense d’Histoire et de féminité mais aussi de masculin. Pour la dernière de la lignée, un chapitre haletant, un vrai page turner.

CITATIONS DE NASSIRA BELLOULA EN ENTREVUE

« Pour chaque femme, il y a une époque qui est relatée avec les faits, les événements, ce qui s’est passé à cette époque-là », explique Nassira Belloula en entrevue vidéo dans laquelle il est aussi fortement question de la condition féminine. « Un survol de cent ans d’Histoire » dans les Aurès avec « beaucoup de déchirements ». « les derniers attentats de Paris […] on voit que rien n’a changé. »

CITATION EXTRAITE DU LIVRE

« Tadla soupira, les choses devaient passer ainsi, elle ne dérogeait pas à la règle, après tout, son sort était lié intimement à sa filiation féminine, ce lien confus et douloureux qui faisait d’elle le prolongement de la destinée des siennes, destinée de souffrance, semble-t-il, car à partir de ce passé, le chemin tracé était assez laborieux. Il finirait bien par arriver quelque part. Elle pensa à Yélli, sa mère, ne lui avait-elle pas donné la vie dans la plus profonde des solitudes. Elle, le fruit d’un amour interdit. Qui sait ce qui serait advenu d’elle, sans la force et la ténacité de ses deux grands-pères, ennemis héréditaires, réconciliés dans le malheur. » (p. 108)

Dans le texte sont par ailleurs insérées de nombreuses citations, des paroles ou des écrits notamment de personnalités à la carrière de tous niveaux, y compris des plus hauts perchés.

Terre des femmes mériterait bien une Note de l’auteur en fin d’ouvrage s’il était publié ici, mais vu qu’il est publié en Algérie (Chihab éditions), il n’est malheureusement pas disponible chez nous. S’agirait-il là d’un triste manque dans les réseaux de communications mondiaux qui font en sorte que nous ne sommes pas en mesure de connaître aussi bien qu’on le voudrait ? Comment y remédier ? La France a-t-elle une oreille à l’écoute ou une idée d’apaisement pour rétablir la paix de l’âme ?

J’ai eu le plaisir de rencontrer Nassira Belloula au Salon du livre de Montréal 2015 où elle m’a accordé une entrevue vidéo : Nassira Belloula, algéroise et montréalaise.